Plaisirs du palais
Dieu qu’il a plu! À ne plus pouvoir sortir sans parapluie. Nombre de fraisières, de cultures maraichères et de potagers ont été inondés au-delà du prévisible. Il a plu à en rendre jaloux nos compatriotes de l’Ouest aux prises avec une sécheresse et des feux de forêt devenus endémiques. L’été venu, à notre tour de connaître la sécheresse. Juillet ne s’est pas démenti. Il a peu plu. Et j’ai craint que nos forêts ne s’embrasent à leur tour.
Trop gorgées d’eau, les fraises n’ont pas été bonnes. J’en garde un mauvais souvenir. Je les aime moyennes ou grosses, pourvu qu’elles soient fermes, bien mûres et préférablement foncées. J’apprécie particulièrement les « Bounty ». Elles ont un parfum, une saveur et une douceur incomparables. On les dit excellentes pour la transformation en confiture en raison de leurs qualités. C’est trop demander pour moi, je les préférais fraîches.
Je dis « préférais » parce que je n’arrive plus à en trouver. Leur couleur foncée les rendait moins attrayantes, m’a-t-on expliqué. Les gens les croyaient trop mûres. Nous savons tous qu’il faut se méfier des apparences, mais nous savons aussi qu’en matière de vente, on préfère s’en remettre à ce qui séduit plutôt qu’à la valeur intrinsèque du produit.
Dommage ! Pourquoi n’affiche-t-on pas le nom de la variété des fraises mises en vente ? La qualité de la Bounty aurait sûrement rassuré un nombre suffisant de gourmands, voire de connaisseurs (!), pour que j’en trouve encore. Je croise les doigts et espère à tout le moins que les égarements climatiques épargneront nos fraisières l’an prochain, Bounty ou pas.
Fort heureusement, il y a eu les bleuets ! Abondants et savoureux à en faire bleuir d’envie tous ses concurrents petits fruits. Certes il fallait trouver le bon endroit et la bonne variété. J’ai trouvé et tout près de chez-moi. Plusieurs paniers plus tard, notamment glorifiés par une délicieuse tarte de ma fabrication, j’ai réalisé que mon deuil fraisier était derrière. En matière de petites baies, je garde l’esprit ouvert et continue d’explorer.
Intelligence Artificielle
Je remercie mon ami Rénald de m’avoir incité fortement à lire Nexus1 de Yuval Noah Harari, jusqu’à me mettre son exemplaire entre les mains. L’ouvrage traite du rôle déterminant de l’information dans la société. J’ai notamment été frappé par le lien qu’on y fait entre information et vérité. J’ai toujours pensé que plus j’étais informé, plus j’étais proche de la vérité. C’est une posture un peu naïve, notamment en raison de la prolifération des tribunes qu’offrent les nouvelles technologies, en particulier l’IA. Elles permettent une telle diffusion des innombrables avis et points de vue que la tentation est forte d’adhérer au courant de pensée qui nous rejoint le plus sans chercher plus loin. À quoi bon !
Les réseaux d’information ont été plus déterminants dans l’histoire de l’organisation « politique » de l’humanité que ne l’a été la quête de vérité. Les exemples sont nombreux qui illustrent comment ils ont joué et jouent toujours un rôle capital dans le contrôle d’un large pan des comportements humains. C’est notamment le cas des publicités qui inondent les divers médias. Elles fondent le plus souvent leur crédibilité et leur raison d’être sur des bases qui ont peu ou pas à voir avec la science et la raison ni même avec la vérité. Il leur suffit de répéter et répéter le message pour qu’il devienne crédible et le produit désirable. Il est des idéologies et des orientations politiques aux objectifs moins louables qui, de la même manière, parviennent à rallier des foules. C’est le cas de Netanyahou qui a va jusqu’à faire appel aux influenceurs et influenceuses du net pour faire croire qu’Israël a à cœur l’alimentation des Gazaouis. L’élection de Trump est un autre bel exemple de la puissance du message, fût-il mensonger, pour gagner une élection … ou justifier ses politiques sur la base de fausses données ou de demi-vérités.
Le phénomène n’est pas nouveau, mais avec l’émergence de l’IA et ses prouesses tant positives que négatives, il y a lieu de s’inquiéter. « Si nous sommes si sages, pourquoi faisons-nous preuve d’une telle tendance à l’autodestruction ? Nous sommes tout à la fois les animaux les plus intelligents et les plus stupides de la Terre » p.468. La solution : …Bâtir des institutions dotées de puissants mécanismes d’autocorrection » p.470.
Cette piste me parait hélas un peu naïve, voire utopique. Quoi alors ?
Hier, ma douce est revenue rayonnante d’une conférence au Festival littéraire des Correspondances d’Eastman, comme envahie par une énergie intérieure empreinte d’enthousiasme et de sérénité ! Elle était visiblement portée par la complicité humaine et la connivence dans laquelle elle venait de baigner. Gardons espoir.
1 Yuval Noah Harari, Nexus, Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Paris Albin Michel, 2024
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